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Deleuze et l'idéologie

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DELEUZE ET L’IDEOLOGIE |
AGENT SWARM
Publié le
Concernant l’évolution du concept de désir chez Deleuze
et Guattari: pour moi il y a un approfondissement qu’on
voit dans la disparition du terme « machines
désirantes » et son remplacement par « agencements ».
Ce changement lève une ambiguïté devenue toxique
autour du terme « machines désirantes » qui permettait
une appropriation justement « idéologique » par le
matérialisme naïve des technocrates (« oui, l’homme est
une machine, certes complexe et cybernétique, et grâce à
cela capable de désir). Ce changement de lexique
constitue un approfondissement au niveau, je dirais,
ontologique et même épistémologique, dans le sens que
du début à la fin, tout seul et avec Guattari, Deleuze
essaie de dévélopper une pensée pluraliste. Le
pluralisme, pour lui, est toujours du côté du
matérialisme, et le monisme du côté de l’idéalisme. On
voit depuis ses articles sur Bergson et la différence
(1956) jusqu’au dernier livre écrit avec Guattari
(QU’EST-CE QUE LA PHILOSOPHIE?) une critique de
ce qu’il appelle (depuis au moins le livre sur
NIETZSCHE ET LA PHILOSOPHIE, l’image
dogmatique de la pensée), càd une critique du monisme
en tant que l’idéalisme, une critique du leurre de l’Un.
C’est cette image dogmatique de la pensée avec son
leurre de l’Un qui constitue la formule de l’idéologie au
sens de Bernard Stiegler. Donc je dirais que Deleuze n’a
jamais abandonné la critique de l’idéologie, critique qu’il
mène jusqu’à la fin. On voit dans un des derniers texte
de Deleuze, le fameux « Post-scrptum », une critique de
l' »idéologie » des sociétés du contrôle ».
Et là réside la question pour moi, comme pour Bernard
Stiegler, même si je donne une réponse différente.
Pourquoi Deleuze n’emploie-t-il pas le mot
d' »idéologie »? Pourquoi moi-même ressens-je le
besoin de mettre les guillemets? C’est que l' »idéologie »
a des sens différent dans le texte même d’Althusser et je
crois que Deleuze a préféré, comme Foucault mais de
façon différente, décomposer les sens pour mener la
critique plus efficacement. Bien sûr il y a des rapports
étroits entre ces sens, donc les distinctions ne sont pas
absolues, mais relative à l’évolution de la discussion. Je
dénombre trois sens:
1) l’idéologie comme opposée à la science, contraire de la
science – c’est le sens que j’évoque dans la question que
j’ai posée précédemment. Là je regrette vivement que le
débat avec Althusser sur la notion de l’idéologie a été
escamoté. Car je pense que ceci a laissé le champ libre
pas seulement au scientisme mais à l’hégémonie
technocrate, à la tyrannie des experts, et au primat de la
gestion sur la politique. Donc derrière le débat manqué
sur l’idéologie je vois se profiler un débat tronqué à
propos de la science.
2) l’idéologie comme structure de méconnaissance –
c’est le sens qui est repris et développé dans le concept
deleuzien de l’image dogmatique de la pensée. Ici
Althusser a fait usage de notions tirées de l’œuvre de
Lacan pour affirmer qu’il n’y aurait jamais de société
sans idéologie. Deleuze et Guattari ont bien analysé cette
structure en MILLE PLATEAUX en termes de
significations conformes et de sujets soumis. Mais toutes
les analyses de Deleuze autour du leurre de l’Un et de la
transcendance peuvent être vues comme des critiques de
l’idéologie.
3) l’idéologie comme non seulement un système de
représentations mais aussi partie intégrante des
appareils d’état. C’est le sens où l’idéologie n’est pas
seulement idée mais aussi force matérielle. Je pense que
Deleuze a accepté cette notion d’inscription matérielle
de l’idéologie mais il a aussi été influencé par les
analyses foucaldiennes du pouvoir, qui tendaient à
démontrer que l’état n’était pas une instance
déterminante (on pourrait facilement reformuler sans
trahir la pensée de fond, et dire que l’idée que l’état
détient le pouvoir est elle-même idéologique). Dans
l’intérêt de déplacer les termes du débat, Foucault et
Deleuze ont préféré abandonner le mot « idéologie »,
mais je pense que le concept reste présent dans des
notions diverses: image dogmatique de la pensée, plan
d’organisation, transcendance, voire machine abstraite
et diagramme.
Voilà, je voulais me faire un peu l’avocat du diable et
suggérer que même si le mot « idéologie » est absent des
analyses de Deleuze et Guattari, le concept est présent à
travers divers termes « héritiers », qui en décomposent
le sens pour mieux le préciser. Donc, je ne croit pas du
tout à un « oubli » de l’idéologie de la part de Deleuze et
Guattari, mais plutôt à son remplacement par des
termes plus spécifiques et moins embourbés dans des
connotations trompeuses. Je suis conscient qu’une telle
substitution nous a privé d’un terme critique unifié pour
désigner l’unité composée de ces sous-parties. De
surcroît, je suis d’accord que l’effacement du nom
d’Althusser et l’escamotage de la discussion du bien
fondé et de l’utilité de la notion de l’idéologie ont faussé
et affaibli la pensée philosophique post-structuraliste et
ont du même coup renforcé son côté « hermétique »,
élitiste, procédant souvent de façon allusive, dans un
langage pour initiés.
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